Aimer jouer n’est pas synonyme d’addiction, ni de rejet du monde réel

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Dans la recherche sur l’addiction aux jeux vidéo, une majorité d’études a longtemps cherché à identifier les critères précis d’une addiction réelle. En parallèle, d’autres études se sont plutôt intéressées aux motivations des joueurs. Une erreur fondamentale serait en effet de considérer que jouer est une activité simple et simpliste, que les joueurs font et recherchent tous la même chose. Les raisons et motivations à jouer peuvent être multiples : progresser, faire en sorte que son avatar devienne plus puissant, découvrir une histoire, se faire des amis, affronter d’autres joueurs, explorer, etc. Plusieurs études ont pointé certaines de ces motivations comme pouvant mener à une utilisation plus intensive, et peut-être problématique, des jeux.

Plusieurs raisons de jouer
Modèle des motivations à jouer en ligne (Yee, 2006)1

Parmi celles-ci, celle d’échappatoire (escapism en anglais) concerne le fait de chercher à temporairement se déconnecter du monde réel pour s’immerger dans un monde imaginaire. Cette motivation est pourtant commune à tous les loisirs ; c’est ce qui permet de se changer les idées, de se relaxer.
Si l’on prend l’exemple d’un individu dans une mauvaise phase (ex : isolé socialement, dépressif, en deuil), jouer tout en mettant en place sur le côté des stratégies pour s’en sortir peut s’avérer être totalement adapté. À l’inverse, cette personne pourrait trouver dans le jeu son unique moyen d’être bien, loin de ses préoccupations, et développera un usage progressivement problématique sur le long terme.

Porte des ténèbres (tirée du jeu World of Warcraft)
Arc de Triomphe
Objectifs de l’étude

Nous avons testé 273 joueurs volontaires, supposés donc « sains ». Le but était d’observer si la motivation d’échappatoire est liée à une préférence pour les mondes virtuels. Ils ont réalisé une tâche sur ordinateur permettant de mesurer inconsciemment leurs attitudes envers les mondes virtuels et le monde réel.
Nous leur avons également donné deux questionnaires, l’un permettant d’évaluer si leur usage des jeux vidéo relève d’une passion (comportement sain) ou d’une addiction (comportement à risque), et l’autre évaluant leurs motivations à jouer en ligne.

"Nous avons voulu souligner l'intérêt de comprendre avant tout ce qui motive une personne à jouer plutôt que de chercher à (sur)pathologiser nos activités quotidiennes." 

Principaux résultats

Parmi les principaux résultats obtenus, les joueurs ont une préférence pour les mondes virtuels, mais ne démontrent pas pour autant un rejet du monde réel. Autrement dit, les deux types de mondes ont obtenus des scores positifs, mais ceux des mondes virtuels étaient plus élevés. 
Autre résultat important, nous avons pu mesurer que cette préférence pour les mondes virtuels est influencée par un usage sain des jeux vidéo, correspondant plutôt à une passion. Un individu présentant une addiction aux jeux vidéo ne semblerait dès lors pas éprouver nécessairement d’attirance pour les mondes réels, à l’inverse de quelqu’un jouant par plaisir ou passion. 

Que retenir ?

Nous avons voulu souligner l’intérêt de comprendre avant tout ce qui motive une personne à jouer plutôt que de chercher à (sur)pathologiser nos activités quotidiennes. Un réflexe contre-productif serait effectivement de voir des addictions ou des comportements problématiques dès que des gens semblent apprécier faire quelque chose, plus ou moins longtemps, plus ou moins régulièrement. Lire, écouter ou faire de la musique, regarder une série ou un film, faire du sport, etc., ces loisirs prennent du temps et répondent à des besoins.

Article d’origine :
Deleuze, J., Maurage, P., Schimmenti, A., Nuyens, F., Melzer, A., & Billieux, J. (2019). Escaping reality through videogames is linked to an implicit preference for virtual over real-life stimuli. Journal of Affective Disorders, 245, 1024‑1031. https://doi.org/10.1016/j.jad.2018.11.078
 
Article cité :
1 Yee, N. (2006). Motivations for play in online games. CyberPsychology & Behavior, 9(6), 772–775. https://doi.org/10.1089/cpb.2006.9.772

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